(Folio, 5,60€, 77 pages)
ISBN 2-07-038840-9
« À partir du mois de septembre l'année dernière, je n'ai plus rien fait d'autre qu'attendre un homme : qu'il me téléphone et qu'il vienne chez moi. »
Annie Ernaux.
Lire Annie Ernaux, c'est accepter de s'enfoncer dans sa douleur.
La dépendance à l'être aimé (ici un homme marié) est poussée à son paroxysme et le récit, froid et distant, nous donne envie de nous éloigner de ce mal-être profond, de cette non-vie. La vie de la narratrice est mise en apnée le temps de cette passion - elle parle d'anesthésie - puis ensuite c'est de douleur puissante qu'il s'agit. Pourquoi cette attente, pourquoi cette vie en suspens, cette respiration interdite là où est le sentiment ? Il faut attendre la fin du récit - car ce n'est assurément pas un roman - pour trouver une explication à ce creux d'amour qui ne pourra pas être rempli. Une explication mais pas l'explication.
Ce livre est bouleversant : quand on le lit, on croit aisément qu'elle parle de nous, pauvres lecteurs. En gros, ce qu'on devient et ce qu'on est capable de faire par amour pour une ombre. En lisant ce livre, on se sent moins seule, moins engluée dans son histoire de cœur, on comprend aussi que si la passion est destructrice, elle n'est est pas moins indispensable à la complétude de notre existence. Celui qui n'a jamais connu une passion, la vraie, celle qui ronge et qui envoûte, qui détruit une partie de soi, celui-là, il n'a pas complètement vécu.
La justesse de ton, l’impression de sincérité qui s’en dégage (même si toute autobio-graphie de par son caractère étroitement subjectif a quelque chose de fictif) et la ré-flexion constante menée sur l’écriture en rapport étroit avec l’existence donnent à cette œuvre un caractère profondément percutant et précieux.
Passion simple, c'est tout simplement un livre de résurrection comme de destruction.
Annie Ernaux, née à Lillebonne le 1er septembre 1940, est un écrivain français. Elle est successivement devenue institutrice, professeur certifiée, puis agrégée de lettres modernes.
Prix :
- 1984 : Prix Renaudot pour La Place
La Place, Paris, Gallimard, 1983
Se perdre, Paris, Gallimard, 2001
Les Années, Paris, Gallimard, 2008 Prix Marguerite Duras 2008
Lecture : Janvier 2010