(Folio, 4,30€, 153 pages)
ISBN 2-07-040086-7
Le livre Lambeaux de Charles Juliet comporte une biographie et une autobiographie.
En effet, dans la première partie, il évoque, dans un portrait enquête, sa mère Hortense juliet, qu'il n'a jamais connue. Celle dont pourtant il raconte la douloureuse histoire, celle dont il retrace ses pensées, ses hésitations et ses doutes, à partir de témoignages de personnes qui l'ont connue. Le dialogue avec une morte permet à l'auteur de ressusciter celle qui lui a donné la vie. C'est un moyen pour lui de faire connaissance avec elle. C'est d'ailleurs ce qui fait la principale particularité de cette biographie car il s'adresse directement à elle par l'emploi de la 2e personne du singulier. Alors que l'on attend pour une biographie l'emploi de la 3e personne du singulier.
Il brosse également le portrait de Félicie Ruffieux, sa mère adoptive et aimante. L'auteur tient à souligner ce qui est admirable chez cette femme exemplaire, nommée par son fils « la toute donnée ». Il lui rend hommage dans ce livre.
Cette oeuvre est novatrice : l'auteur s'est contraint à employer la 2e personne du singulier. Il s'adresse aux deux personnages principaux dans un long monologue, seul le présent est employé et il n'y a aucun dialogue. Ce choix dévoile l'intensité de la relation de l'auteur et de ces deux femmes : l'histoire tragique de l'une et l'abnégation de l'autre et son amour filial pour elles.
Le style de la 2ème personne du singulier n'enthousiasme, ni ne touche C'est justement là que le livre pêche par cette perpétuelle interpellation, cette adresse à l'autre, l'inconnu(e). Comme s'il dressait un tableau, présentait la scène d'une pièce théâtrale avant le lever de rideau... on n'est pas toujours sensible à ce style.
Après, il y a le contenu des "Lambeaux" : d'abord le portrait d'une maman, une Cosette sans la rencontre salvatrice de Jean Valjean, fille de paysans, privée du droit aux études, coincée dans sa ferme, les travaux de la terre, entre les quatre murs d'une maison. Cette maman fait pitié, franchement : son mal de vivre se tapit depuis la petite enfance, exacerbé par les malheurs d'une existence de plus en plus sinistre, catapulté par une énième grossesse, laquelle sera révélatrice d'une déprime postnatale, qu'on ne décrypte pas en ces temps-là (fin des années 30) mais qui conduira la jeune maman à l'asile !
En petite deuxième partie du récit, le narrateur s'interpelle lui-même en racontant son parcours (enfance, adolescence, adulte débutant...). Lui-même souffre de mélancolie, de traumatismes mais d'une franche envie de s'en sortir également. Egalement il a une vraie passion pour les mots, pour les livres et souhaite devenir un orfèvre littéraire, pour pouvoir enfin se délivrer, dire les choses qu'il couve en lui depuis longtemps. Bref, Lambeaux n'est pas rose. C'est une page de l'histoire des paysans de la France du début du 20ème siècle, si commune, si courante et terriblement si dure! Charles Juliet dépose son barda, devenu trop lourd, trop pesant. Au lecteur de le porter, mais c'est écrasant!
Samedi 14 novembre 2009 à 21:38
Publié par Elora
lambeaux, biographie, autobiographie, charles, juliet, france, histoire, vie, roman
Samedi 14 novembre 2009 à 21:27
(Pocket, 2,50€, 153 pages)
ISBN 2-266-03823-0
Cécile, adolescente insouciante, a passé son enfance en pension. Elle vit depuis deux ans avec son père Raymond qui est veuf et qui a la quarantaine. Elle mène une existence oisive et bénéficie d’une grande liberté. Son père a de nombreuses maîtresses auxquelles Cécile s’habitue assez facilement .
L’été de ses 17 ans, Cécile , son père Raymond, et Elsa, sa maîtresse du moment partent en vacances sur la Côte d’azur. Raymond a également invité Anne, une femme séduisante et brillante, qui était l’amie de son épouse. Très vite Anne prend en main la vie de Cécile et décide notamment de la faire travailler, celle-ci ayant ratée son baccalauréat cette année-là. Anne regarde également avec un œil critique l’aventure que Cécile a avec Cyril, un étudiant qui passe ses vacances dans la région. Raymond délaisse peu à peu Elsa et devient l’amant d’Anne. Il est décidé à changer de vie pour elle et envisage même de l’épouser.
Cécile craint de perdre sa liberté. La présence de cette femme intelligente et calme, trouble sa délicieuse existence. Jalouse, elle réussit à convaincre son petit ami Cyril de simuler une aventure amoureuse avec Elsa. Raymond ne parvient pas à résister à cette provocation. Irrité de voir Elsa se tourner vers un adolescent à peine plus âgé que sa fille, il se retrouve bientôt dans les bras de son ancienne maîtresse. Anne les surprend par hasard. Désespérée elle s'enfuit et se tue dans un accident de voiture. Cécile et son père reprennent leur vie insouciante, mais la jeune fille connaît à présent un sentiment nouveau : la tristesse : " Seulement quand je suis dans mon lit, à l’aube, avec le seul bruit des voitures dans Paris, ma mémoire parfois me trahit : l’été revient et tous mes souvenirs. Anne, Anne ! Je répète ce nom très bas et très longtemps dans le noir. Quelque chose monte alors en moi que j’accueille par son nom, les yeux fermés : Bonjour Tristesse. "
C' est un court roman, très connu de Mme Sagan, et probablement un classique de la littérature du XXème siècle.
C' est la tête d' une petite femme de dix-sept ans, qui a vécu presque toute son existence sans un repère maternel, et qui dans une sorte de complexe d' Oedipe, refuse que son père s' engage aussi sérieusement, leur relation était si fusionnelle que pour rien au monde elle ne voudrait en abdiquer...
On se demande bien en quoi ce livre a bien pu être polémique en 54 , mise à part un léger encouragement à la débauche, il n' y a rien de bien choquant par rapport à notre monde actuel qui est bien pire!!
Cette lecture peut être assez agréable mais n'apporte pas grand chose...
Mercredi 23 septembre 2009 à 20:12
(Le Livre de Poche, 6€, 248 pages)
ISBN : 2-253-10884-7
"Le jour où j'ai rencontré Talia, on a fait l'amour devant quarante personnes. Ensuite, on est allés prendre un verre. Et on a fait connaissance...". Elle est la star montante du X. Il est une gloire déchue du foot. A dix-neuf ans ils ont tout connu, tout défié, tout subi. Au milieu des marchands d'esclaves qui transforment les êtres humains en produits dérivés, ils vont se reconnaître, se rendre leurs rêves, leur rire, leur dignité.
On accroche dès la première phrase: «Le jour où j'ai rencontré Talia, on a fait l'amour devant quarante personnes. Ensuite, on est allés prendre un verre. Et on a fait connaissance». Y a pas à dire, on veut connaître la suite! Comment ces deux personnages vont-ils réussir à développer une relation saine, quand ils «ont pris l'amour à l'envers, [qu'ils] ont commencé leur relation par ce qui en est normalement l'aboutissement»? Voilà ce parcours bien sinueux que l'auteur nous invite à emprunter.
Chemin faisant, Didier van Cauwelaert jette un peu de lumière sur ces deux mondes que sont la porno et le foot. Les caprices des stars, les magouilles, la tricherie même. Descriptions intéressantes de professions que l'on ne connaît qu'en surface. Sans oublier les troubles intérieurs qui assaillent les deux personnages principaux.
Là où « le gentil » Van Cauwelaert nous surprend, c’est dans son cynisme lorsqu’il dépeint le monde du foot, marché à viande au même titre que la pornographie, dont il donne par contre une image ironique, sans réserve et amusante.
Un sujet qu’on ne s’attendait pas à retrouver dans ses romans qualifiés « tout public »…
On passe un très agréable moment avec l’écriture de Didier Van Cauwelaert. Ce n’est peut-être pas le meilleur de ses romans, mais on y trouve cette chaleur, cette fantaisie et cette sensibilité qui le caractérisent.
Un roman doux-amer, réaliste mais mettant en scène des personnages inhabituels, attachants, drôles, émouvants, énergiques.
Lecture : Septembre 2009
Dimanche 2 août 2009 à 15:45
(Gallimard, 20€, 359 pages)
ISBN 2-07-078093-7
L'Auteur : Muriel Barbery, née en 1969 Wikipédia
'Je m'appelle Renée,j'ai 54 ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette,j'ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l'image que l'on se fait des concierges qu'il ne viendrait à l'idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.'
'Je m'appelle Paloma, j'ai douze ans,j'habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c'est le bocal à poissons, la vacuité et l'ineptie de l'existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C'est pour ça que j'ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai.'
Et bien, un excellent conseil d’un professeur de littérature. Ce livre est cruel, cynique, drôle, intelligent. On sourit, on en a gros sur le cœur, on réfléchit, on aime...Ou pas. On lira dans certaines critiques qu'il se déroule avec une écriture du Dimanche... Ce n'est pas faux car certains mots ou expression frôlent la vulgarité. En revanche, d'autres peuvent sembler pédants. Mais, au delà de cela, se dessine une histoire gentillette, une agréable (et surprenante) rencontre entre deux personnages paraissant antinomiques : Renée, l'autodidacte qui se cache derrière ce que l'on attend d'elle en tant que concierge, et Paloma, jeune fille bourgeoise et emprisonnée dans ce monde. On ne se reconnait qu’assez difficilement dans l’un ou l’autre des personnages mais on ne peut s’empêcher, parfois, de prendre parti.
L'auteur nous fait partager avec habilité et en petites doses son intérêt pour le Japon. Cela nous évite un livre trop... « franco-français » et encore plus parisien.
Le principal point fort est certainement l'alternance entre les plaisirs (et les douleurs) simples de la vie quotidienne et les digressions philosophiques...qui sont absolument fascinantes et accessibles.
Ce livre s’approche de l’éloge de la différence et, également, de la critique des aprioris.
Cependant, les références plutôt élitiste que Muriel Barbery distille tout au long du livre peut appuyer sur la (douloureuse ?) inculture de pas mal de monde....
Lecture : Juin 2009
Publié par Elora
élégance du hérisson, barbery, muriel barbery, philosophie, culture, vie, réflexion
Vendredi 26 juin 2009 à 15:47
(Stock, 15€, 154 pages)
ISBN : 978-2-234-06117-0
L'Auteur : Jean-Louis Fournier, né en 1938. Biographie
Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J'avais honte ? Peur qu'on me plaigne ? Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible : « Qu'est-ce qu'ils font ? » Aujourd'hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre. Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange. Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d'une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement. Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d'enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement que ce serait : rien. Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines.
La majorité des couples désirent des enfants et rêvent d'avoir de merveilleux bébés mais parfois la chance n'est pas de la partie!
Jean-Louis Fournier fait partie de ceux qui ont manqué de chance en ayant non pas un mais 2 enfants handicapés. Le livre qu'il écrit sur ses enfants ne tombe pas dans le pathétique ni le misérabilisme et il donne avec une pointe d'humour noir ses sentiments et ses impressions.
Il retrace la vie de parents dont le monde s'effondre en sachant que leur enfant n'est pas comme les autres. Il nous dit ,honnête, sa rage et parfois son désir de les faire disparaître mais en même temps sa tendresse et son amour pour ces êtres "innocents" qui le font culpabiliser de les avoir fait ou de ne pas avoir été un "bon père".
Il nous parle de son besoin de rire parfois de ses enfants afin de dédramatiser. Cela peut sembler indigne d'un père mais qui peut juger de la difficulté d'élever ses enfants handicapés, hormis peut-être ceux qui sont dans la même situation ?
Il n'a pas peur également de nous dire sa jalousie face aux parents d'enfants dits normaux. Mais ils y aussi ceux qui disent "L'enfant handicapé est un cadeau du ciel". Et ils ne le disent pas pour rire. Ce sont rarement des gens qui ont des enfants handicapés. Quand on reçoit ce cadeau, on a envie de dire au Ciel: "Oh, fallait pas..."...
Lecture : Janvier 2009